Huit ans la finale de l’Euro 2016, l’équipe de France retrouve le Portugal, ce vendredi soir. Défaits par les Portugais à l’époque, les Français n’ont toujours pas eu l’occasion de prendre leur revanche en phase à élimination directe. Avec ce match, l’occasion se présente pour Didier Deschamps qui veut aussi marquer l’histoire.
Le changement tactique de Deschamps
Didier Deschamps a besoin d’un seul trophée pour compléter son palmarès déjà très riche. Le sélectionneur a remporté la Coupe du monde et le Championnat d’Europe en tant que joueur, la Coupe du monde en tant que coach. Et L’Euro 2024 pourrait lui permettre de compléter la série ; ce qu’il aurait déjà fait sans le Portugal et une équipe qui a peut-être surpassé Deschamps. Au cours des huit années qui se sont écoulées depuis l’Euro 2016, lorsque le Portugal a remporté son seul trophée majeur, contre la France, la méthode Deschamps est devenue plus pragmatique : il n’est pas nécessaire d’exceller en phase de groupes ou de faire des déclarations sur la qualité du football. Les matches peuvent être gagnés par des moments, des coups de pied arrêtés et des figures improbables.
La France était sans doute la meilleure équipe de l’Euro 2016 alors que le Portugal n’a pas gagné ses matchs en phase de groupes, puis a progressé grâce à un match décisif à la 117ᵉ minute, à une séance de tirs au but et à une victoire sur une équipe du Pays de Galles qui s’est surpassée pour atteindre les demi-finales. En finale, ils ont battu la France 1-0 grâce à un autre but inscrit en prolongation par Eder, un attaquant dont la carrière à Swansea City s’est soldée par zéro but marqué et qui n’a porté le maillot du Portugal que cinq fois. Après une entrée en matière peu convaincante en Allemagne, le décor est planté pour un nouveau match avec des rivalités renouvelées à Hambourg.
La revanche pour la France
Les survivants de 2016 sont nombreux : pour le Portugal, l’homme du match Pepe et Cristiano Ronaldo. Pour la France, on aura Deschamps, Antoine Griezmann et Olivier Giroud. Cependant, il pourrait y avoir une autre mission de revanche, même pour un manager dont les mots sont trop mielleux pour le suggérer. Lorsque la France a remporté une demi-finale en Russie en 2018, permettant à Deschamps d’imiter Franz Beckenbauer en remportant la Coupe du monde en tant que capitaine et entraîneur, c’était contre la Belgique de Roberto Martinez : 1-0, avec un but sur coup de pied arrêté de Samuel Umtiti, l’un des quatre qu’il a marqués pour la France. La Belgique avait pratiqué le meilleur football, mais la France a gagné. Thibaut Courtois les a accusés de jouer de l' »anti-football ». Eden Hazard a ajouté : « Je préférerais perdre avec cette Belgique que gagner avec cette France ».
Un point de vue non partagé par Deschamps. Sa réputation de football ennuyeux peut être exagérée : la victoire 4-3 de la France sur l’Argentine en 2018, par exemple, était un classique. Mais certains de ses matches les plus mouvementés ont été marqués par une perte de contrôle : 3-3 contre la Suisse lors de l’Euro 2020 ou la finale de la Coupe du monde 2022 contre l’Argentine. On a l’impression que la tactique du sélectionneur consiste à arrêter un match et à attendre un moment magique. L’Euro 2024 n’en a pas connu, puisque les trois buts de la France sont un penalty et deux buts contre son camp. Elle n’a encaissé qu’une seule fois, contre la Pologne, mais s’est retrouvée du mauvais côté du tirage au sort, et doit maintenant affronter le Portugal.
Des équipes construites autour de stars
Si la France a copié le Portugal de 2016, celui-ci semble à présent emprunter le modèle de la France. Les deux managers peuvent changer leur tactique pour un joueur vedette : la France en raison de la réticence de Kylian Mbappé à presser, le Portugal parce que l’équipe de Martinez risque de ressembler à un projet de l’ego de Ronaldo plutôt qu’à une méritocratie. Kylian Mbappé a marqué un penalty dans le tournoi, Ronaldo en a manqué un, ce qui lui a valu de pleurer à la mi-temps de la prolongation contre la Slovénie, même s’il a transformé le penalty de manière cathartique lors de la séance de tirs au but qui a suivi. Au fond, les deux sélections se ressemblent et ce tournoi n’est qu’une caricature de ce qu’ils proposent depuis quelques années déjà.
Tous les deux ans, ils compilent les meilleurs joueurs d’Europe, font partie des favoris, mais ne parviennent pas à convaincre. C’est souvent solide, parfois laborieux. Pour le Portugal, le diagnostic est simple : c’est Ronaldo qui le freine. Pour la France, le technicien poursuit sa quête d’équilibre : après avoir écarté Antoine Griezmann contre la Pologne, il l’a replacé à droite lors de la victoire en huitième de finale contre la Belgique post-Martinez. Aujourd’hui, sans Adrien Rabiot, suspendu, Deschamps pourrait devoir passer de trois à deux milieux défensifs et donner à Griezmann un rôle plus central.
Un quart de finale plein de souvenirs
Pour les deux entraîneurs, ce quart de finale de poids lourd pourrait rappeler des souvenirs : pour Deschamps, l’élimination de l’Angleterre de la Coupe du monde 2022, pour Martinez, son meilleur résultat et son plus grand triomphe tactique en tant qu’entraîneur international, la victoire de la Belgique sur le Brésil en 2018. Cette victoire a montré le type de flexibilité – avec Romelu Lukaku déplacé à droite et Kevin de Bruyne jouant comme faux neuf – qui est impossible lorsque tout est construit autour de Ronaldo. Le Portugal, comme la France, est si riche en talents qu’il a l’air d’un vainqueur potentiel, à condition que l’un d’entre eux puisse éliminer l’autre, puis l’Espagne ou l’Allemagne.
Les vétérans de Martinez pourraient avoir être difficile à coacher. Pepe, 41 ans, ne voudra peut-être pas être isolé dans un sprint contre Kylian Mbappé. Ronaldo tente une dernière fois de remporter le championnat d’Europe sur le terrain plutôt que sur le banc de touche. Pour Deschamps, cependant, le prix est sans doute encore plus grand. Car, sans le Portugal, il serait déjà l’homme qui a terminé le football international.
Les compositions probables
Portugal : Diogo Costa, Nuno Mendes, Rúben Dias, Pepe, João Cancelo, João Palhinha, Vitinha, Bruno Fernandes, Rafael Leão, Cristiano Ronaldo, Bernardo Silva.
France : Mike Maignan, Théo Hernandez, Dayot Upamecano, William Saliba, Jules Kounde, N’Golo Kanté, Aurélien Tchouaméni, Eduardo Camavinga, Antoine Griezmann, Kylian Mbappé, Marcus Thuram.